Chers Partenaires, Chers Amis. Je vous écris aujourd’hui, le 21 octobre 2019, de Beyrouth.

La situation est grave. Ce qui se passe dans notre pays est inédit et en même temps dangereux. Et c’est une première. Nous avons tous conscience que le Liban vit une révolution, qui a pris ses racines depuis plus de 3 ans maintenant.
Lentement mais sûrement, nos gouvernants ont puisé et épuisé toutes les ressources du pays. Nous avions des signes avant-coureurs de la crise, mais nous refusions de les croire.
Ce n’est que fin 2018, que les premiers chiffres commencent à fuser dans un pays qui se garde bien de publier toute information :

34% de la population libanaise vit en dessous du seuil de pauvreté
40% de chômage des jeunes diplômés, 30% de chômage national
Dette publique approche les 140% du PIB, faisant de notre pays le 2eme plus endetté du monde
Fuite des capitaux, lentement et sûrement, depuis début 2018
Déficit de la balance commerciale, 19 Milliards de USD d’imports contre 3 milliards d’exports
Et assèchement progressif des rentrées des pays du Golfe suite à la situation politique régionale.

A cela, une corruption jamais égalée : électricité du Liban, organisme public, perd 2 milliards de USD par an ! Les politiques jouent les sensibilités communautaires pour se maintenir au pouvoir, en brandissant le sceptre de la guerre civile, des guerres régionales… Pour assoir leur autorité.
Au fur et à mesure, depuis janvier 2019, tout s’écroule en silence, et sans avertissement : les banques haussent leurs taux d’intérêts : qui arrivent jusqu’à 17% dans certaines banques sur les dépôts en USD !! L’emprunt devient impossible. Le Pays, dollarisé à 80%, perd ses devises et les banques arrêtent le change. Le dollar s’achète au marché noir et la livre dégringole, malgré le prix fixé par la banque centrale.
Les virements en partance du Liban peuvent prendre plusieurs semaines pour passer. Les virements à destination du Liban prennent parfois des semaines. Un virement qui devait nous arriver de France par exemple, envoyé par swift avec date valeur le 1er octobre, n’est toujours pas rentré, au 21 octobre, un cas impensable depuis quelques mois.
Le crédit immobilier a explosé, avec des taux qui passent à 6 et 7 %. Les jeunes couples n’arrivent plus à payer leurs échéances, les entreprises étouffent.
Aujourd’hui le pays est au bord de la faillite. Les gens ont pris position dans toutes les grandes villes du pays. Toutes les banques, les organismes étatiques sont fermés depuis plusieurs jours (ministères, port, chambres de commerce…).
FTL et FTTL, les 2 organisations du commerce équitable au Liban sont en danger. Les 42 employés du groupe, et les 1400 bénéficiaires sont dans une situation très précaire aujourd’hui.
En tant que dirigeant du groupe, je m’adresse aujourd’hui à vous tous, partenaires, collègues et amis pour vous informer de notre situation :

Nous avons des retards de paiement des cotisations Fair Trade aux organismes de certification (FLO, WFTO), en 2019, dû à l’asséchement des devises dans nos comptes et la quasi impossibilité de nous en procurer avec les nouvelles mesures
Nous avons des retards de paiement aux salariés et coopératives membres du réseau Fair Trade
Nous aurons quelques retards aussi de livraison
Nous recevons avec beaucoup de retards les virements de nos clients

Je vous demande donc, pour ce cas de Force Majeure, votre compréhension et votre support en ces moments compliqués,
Nous espérons que la révolution en cours permettra de sortir du pouvoir tous ceux qui ont volé et appauvri le pays et par conséquent le peuple,
Nous espérons aussi, qu’avec votre support, et le maintien de nos partenariats en depit de notre situation presente, nous pourrons poursuivre notre mission auprès de nos partenaires locaux.
Philippe Adaime"